La licorne du Saint-Laurent
© Illustration : Cathy Faucher
Nordet, une licorne des mers, quitte par accident son pays du pôle Nord et se retrouve entraîné dans un fabuleux périple qui le mène jusqu’au fleuve Saint-Laurent. Au cours de ce fantastique voyage, il devra apprendre à se débrouiller seul pour survivre aux multiples dangers de la mer et pour tenter de trouver de nouveaux compagnons.
Avec ce deuxième roman, Christine Valois nous fait découvrir la vie marine à travers les yeux d’un jeune narval. Fait à noter, ce narval existe vraiment et nage présentement avec ses amis les bélugas dans le parc marin du Saguenay/Saint-Laurent.
Extrait
Chapitre 9 - Tempête sur les côtes du Labrador
Aujourd’hui, la mer est lisse et luisante comme de l’huile. Je nage facilement et mon corps glisse tout doucement dans l’eau. Tout est calme. Peut-être, trop calme, en fait.
Bientôt, comme si cette accalmie annonçait autre chose, le ciel au-dessus de moi s’assombrit. On dirait presque que la nuit est tombée et l’eau turquoise de la mer vire au bleu foncé.
Le ciel se couvre ensuite rapidement de nuages noirs, chargés et tellement pesants qu’ils semblent vouloir éclater sous la pression. Une brise froide se lève et se transforme aussitôt en une bourrasque qui fait lever les vagues. En un rien de temps, d’énormes lames se forment et le ciel commence à se déchainer. De la pluie mêlée de grêlons déchire l’atmosphère et frappe la mer. Tout près, j’aperçois un zigzag flamboyant traverser le ciel, suivi d’un bruit d’enfer. C’est assourdissant! Bien pire que le bruit des icebergs quand une partie de leur glace s’effondre dans la mer!
« Mais qu’est-ce que c’est que ça? »
Je n’ai jamais rien vu de semblable au pôle Nord. Même les blizzards qu’il y a chez moi ne sont pas aussi effrayants. Il y a bien du vent et de la neige, mais les vagues ne sont jamais aussi gigantesques qu’ici! Ces vagues me secouent violemment dans tous les sens. Terrifié, je plonge pour me protéger. À une certaine profondeur, je retrouve un peu de calme, mais je sens quand même l’eau qui ondule en suivant les mouvements des vagues plus haut comme un écho de la fureur qui se déchaine à la surface. En remontant respirer, je constate à mon grand désespoir que la tempête a redoublé de vigueur.
Ainsi, chaque fois que je dois prendre de l’air, je me retrouve dans une situation périlleuse. Les vagues sont énormes et la force de la houle me projette dans les airs, me faisant ensuite retomber avec fracas sur l’eau. Je dois calculer mes sorties de façon à respirer le moins souvent possible et en visant le creux des vagues. Il faut aussi que je m’assure qu’elles ne me retombent pas dessus. Elles pourraient m’assommer!
« Ouf, c’est difficile de respirer. Je suis si fatigué. Et j’ai faim. Il me semble que cette tempête dure depuis une éternité. Si je me fie à mon estomac, ça fait certainement deux jours que je ne me suis rien mis sous la dent. On dirait que la tempête a même fait fuir les poissons. Ils sont sûrement allés se mettre à l’abri de ces turbulences. Et puis je n’arrive même plus à voir les côtes. Si ça continue, je vais être vraiment perdu. »
Enfin, un rayon de lumière finit par se frayer un chemin à travers l’eau. Le soleil semble être revenu. Prudemment, je retourne à la surface pour voir si la tempête est terminée. Wow! Un énorme arc-en-ciel se déploie juste devant moi. Il est magnifique, mais il me rappelle aussi mon amie perdue.
Est-ce que je vais la revoir un jour?
Autour de moi, il y a à présent un nombre incalculable d’oiseaux qui ballottent tristement au rythme des vagues, morts. C’est la première fois que j’assiste à un tel phénomène, mais qu’est-ce qui a bien pu se passer? »
Précisions scientifiques
Moi, l’autrice, je sais ce qui s’est passé et je vais te l’expliquer :
Pour voler, les oiseaux doivent être légers. Alors, ils ne prennent jamais de gros repas parce que leur estomac est tout petit. Ça veut dire qu’ils doivent manger souvent pour ne pas manquer d’énergie. Pendant les tempêtes, les vents peuvent atteindre jusqu’à 120 km/h et les vagues, 8 mètres, ce qui rend les eaux très turbulentes. Les poissons dont se nourrissent les oiseaux deviennent alors difficiles à voir et donc à attraper.
En plus, les oiseaux sont pris dans l’équivalent d’« une grosse machine à laver ». Ils ne voient plus rien et ne peuvent pas aller se mettre à l’abri. Cela, combiné au manque de nourriture, fait que les oiseaux meurent.
Il faut dire aussi que les macareux moines, que Nordet a vus, ont des petites ailes et peu de réserves de graisse : ils sont donc encore plus sensibles que les autres oiseaux aux intempéries.
En plus du réchauffement climatique, qui augmente les fréquences des tempêtes, d’autres facteurs compromettent la survie des oiseaux marins comme : leur capture accidentelle par les bateaux, la compétition avec les pêcheurs pour la nourriture et la pollution des habitats où ils se reproduisent.